
Les bateaux de croisière sont complètement absents du port de Québec, cette année.
Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL
Octobre est d'une rare morosité, dans le port de Québec. Là où auraient dû débarquer des milliers de croisiéristes chaque jour, c'est le vide presque total. Une absence qui se traduit par des centaines de millions de dollars perdus pour l'économie de la Vieille Capitale.
Le long des quais, pas un seul navire de croisière n'est accosté. Pendant l'heure où Radio-Canada est présente aux abords du fleuve pour y rencontrer Mario Girard, le PDG du Port de Québec, seuls quelques joggeurs passent par là.
Tout un contraste avec les 152 bateaux et 240 000 passagers qui étaient attendus à Québec, en septembre et octobre. Des prévisions record, complètement bousillées par la COVID-19 et les restrictions qu'elle a entraînées.
C'est sûr que c'est triste
, admet M. Girard. On est dans la grosse période des croisières, normalement. On aurait des journées de six ou sept bateaux dans les bonnes journées, avec 10 000 visiteurs qui iraient dépenser, acheter chez nos commerçants ici.
L'ampleur des retombées économiques dont Québec est forcée de se priver est énorme. On prévoyait que les passagers dépenseraient, à eux seuls, 95 millions de dollars dans les commerces de la capitale.
À cela, on aurait dû ajouter environ 130 millions pour les dépenses effectuées par les navires, dont le ravitaillement.
Si vous additionnez tous les emplois perdus [...], on parle de presque 500 millions de pertes en retombées économiques, au total, juste pour Québec.
Pour le Port, c'est un mi-mal, assure M. Girard. Les navires de croisière ne représentent qu'une petite partie des revenus de l'administration. Ceux à qui il faut penser, ce sont les gens de l'industrie touristique. Eux sont durement touchés
, dit-il.
Bus stationnés
Pour le constater, il suffit d'aller rencontrer le directeur général des Tours du Vieux-Québec, l'entreprise qui offre des circuits touristiques à bord d'autocars nolisés ainsi qu'à bord des emblématiques autobus rouges à double étage.
Normalement, à ce moment-ci de l'année, le stationnement de Michael Ouellet est vide. La demande est si forte, l'automne, que ses 40 véhicules sont tous sollicités.
Là, c'est le contraire, la cour est complètement pleine. Il n'y a pas de véhicule qui est sur la route.
Des dizaines d'employés ont donc été mis à pied. Et Michael Ouellet s'attend à payer le fort prix lorsque ses autobus pourront redémarrer.
Présentement, est-ce que ça coûte plus cher? Non. Ça va être quand on va les repartir, par exemple, ça va coûter plus cher. Un véhicule qui ne roule pas, ç'a plus de chances de briser qu'un véhicule qui est sur la route
, rappelle-t-il.
L'impact se fait aussi sentir chez les 300 guides touristiques de Québec. Habituellement, les croisiéristes représentent jusqu'à 60 % de leurs revenus durant l'automne.
Rencontrée sur la terrasse Dufferin, complètement vide, l'une des administratrices de l'Association des guides touristiques de Québec, Louise Labelle, admet trouver la scène d'une grande tristesse
.
Au-delà de l'absence des croisiéristes, la Capitale-Nationale est en zone rouge jusqu'au 28 octobre. Pour les guides, le glas de la saison 2020 a donc déjà sonné.
Qu'on voie aujourd'hui un paysage aussi désolé, c'est vraiment une période extrêmement dure à vivre pour l'ensemble des guides touristiques de Québec.
Période de disette
L'absence de tourisme international et local se reflète inévitablement dans les revenus des entreprises et institutions de la capitale. Les chiffres n'ont rien de réjouissant.
Dans les hôtels, en ce moment, on parle de 2 à 5 % d'occupation
, indique le directeur communications et marketing de l'Office du tourisme de Québec (OTQ), Éric Bilodeau.
Les restaurants étant fermés, ça ne facilite pas la venue de touristes.
Dans le quartier Petit Champlain, plusieurs commerçants ne cachent pas leur découragement.
À la boutique de chaussures Amimoc, la gérante Roxanne Hamel disait n'avoir eu aucun client depuis le début de la matinée, lorsque Radio-Canada l'a interrogée vers 15 h.
La zone rouge, c'est le clou dans le cercueil
, illustre-t-elle. On réussit à tirer notre épingle du jeu d'autres façons, avec le commerce en ligne, mais c'est juste désolant de voir notre quartier comme ça.
À deux coins de rue de là, c'était aussi le calme plat au café Maison Smith. C'est sûr que l'impact [de l'absence des croisiéristes] est considérable
, expliquait la responsable des ressources humaines, Marie-Andrée Bernard.
Les gens qui viennent à nous, ce sont les gens locaux, les gens qui travaillent dans le secteur.
Des années à se rétablir
Les croisiéristes ont beau représenter moins de 5 % des 5,5 millions de visiteurs qui font un séjour dans la capitale, chaque année, ils sont une clientèle clé qui contribue à prolonger la haute saison touristique d'environ deux mois.
Malheureusement, l'OTQ ne croit pas que l'industrie des croisières reviendra à la normale avant trois ou quatre ans.
Éric Bilodeau est cependant convaincu que peu importe l'évolution de la COVID-19, Québec restera la destination de croisières par excellence sur le fleuve Saint-Laurent.
À toutes les semaines, on maintient les communications avec les compagnies de croisières pour être sûr qu'elles pensent à nous en 2021, 2022, 2023
, dit-il.